Adeline RIPOCHE - Piano

« En sortant de l’école nous avons rencontré… »

Un grand bâtiment blanc solennel, important.

L’Académie de Musique de Waterloo, en Belgique. J’ai sept  ans.

« Non ! J’irai pas à l’Académie de Musique, maman ! »

Et pourtant…

« Ou alors, je veux bien, mais je veux faire du hautbois ! »

« Mais enfin ! Tu passes ton temps à t’amuser sur le piano ! »

Il est vrai que le piano trône dans le salon, maman joue Chopin, Mendelssohn, Schubert ou Satie. Alors évidemment …

« Tu feras du piano. »

Et on m’inscrit  à l’Académie de Musique de Waterloo.       

 

 

Un peu moins de six ans ici :                                                pianos 5 ans

Premières expériences au piano, en autodidacte.

Sans professeur, la posture laisse à désirer…

 

 

Mon premier professeur de piano

Elle s’appelle Nadya

Elle met quelquefois des clémentines sous mes doigts,

Elle dit qu’ils doivent être arrondis.                                          

DSCF1619

 

Un Menuet en Fa Majeur de Mozart,

 Une première audition et  je suis séduite,

Plus jamais je ne lâcherai le piano !

 

 

Mon entrée au conservatoire

Quelques années plus tard, retour en France, ici l’académie s’appelle le conservatoire.

Nous habitons Poitiers, je passe le concours d’entrée.

Sous le regard avisé d’une dame respectable, chignon blanc et lunettes sérieuses, je joue, un peu impressionnée mais tout de même concentrée, la Sonatine en Fa Majeur de Beethoven entre autres… Fa Majeur, tiens ? Encore… Et me voilà inscrite en Classe Horaires Aménagés Musique !

Mon professeur sera beaucoup  plus jeune, sans chignon mais à lunettes toutefois et très sérieuse elle aussi. Isabelle Mompiou. Le goût pour le Quatre-mains, Mozart, Debussy, Fauré, pour  la musique espagnole, Albéniz, Granados,  et les premiers chalenges pianistiques, Isabelle, je vous les dois… Merci. Souvenirs émus des premiers Nocturnes de Chopin, de la première Polonaise travaillée, souvenirs émus également du Bösendorfer de la salle d’orchestre où avaient lieu les auditions.

 

Partenaire de quatre mains, et tourneuse de pages !  Quatre mains Marion

 

 

Le piano au Burkina Faso, merci Marina…

Puis le collège s’achève, papa est reparti travailler en Afrique, nous le suivons. En route pour le Burkina Faso, Ougadougou et le lycée Saint Exupéry.

Et … le piano ? Ici pas de conservatoire, pas d’académie… Mais une rencontre : Marina, une jeune pianiste russe, formée au Conservatoire de Moscou. Elle a quitté son pays et a monté son école ici, à Ougadougou, en plein milieu du Sahel ! Deux ans de travail à vos côtés Marina. Rachmaninov  sous un ciel bleu et parfois 45°C, les pianos avaient la vie dure !  Et votre accent tout aussi exotique pour moi et si musical, à jamais ancré dans ma mémoire… C’est un peu insolite mais délicieux !

 

 

Mais il faut revenir en France

Classe de terminale, je réintègre le conservatoire de Poitiers, mon professeur est originaire des USA cette fois.  Alan Kenneth: autre accent, autres méthodes, autre vision de la musique. Amoureux de la musique française ; grâce lui, avec les Préludes et les Estampes de Debussy, j’apprendrai à travailler le son comme de la matière, comme de la couleur. Je rends aussi  hommage à mes autres professeurs : de FMG, d’écriture, d’accompagnement, et surtout de musique de chambre.

 

Le temps du choix

Après le bac, les études supérieures, ce sera  Hypokhâgnes pour moi. Mais très vite le choix s’impose. La musique me manque, je n’ai pas assez de temps à lui consacrer. Une fois l’année finie et validée,  j’entre en cycle supérieur au CRR de Poitiers, en FMG et en piano. Stages, Master classes, ce seront les plus belles années de mon apprentissage.

 

Et puis tout s’enchaîne

Obtention des deux DEM à Poitiers, perfectionnement au CRR de Bordeaux et  nouveau professeur, Jean Philippe Guillo . Entrée au CESMD Poitou-Charentes pour préparer mon Diplôme d’Etat de professeur de piano, et du coup nouveau professeur de perfectionnement, Michel Benhaïem, puis rencontre avec une violoniste, Perrine, qui enseigne aujourd’hui au CRR d’Angers et avec qui je forme  le duo Mélusine , encore quelques stages, quelques concerts… et puis le diplôme.    

 

vieux 2                         duo


Quelques remplacements effectués dans plusieurs conservatoires, et enfin mon premier poste, ici au conservatoire de Privas.

 

Aujourd’hui,  je souhaite transmettre à mes élèves :

L’amour de la musique.

La joie de la partager.

Le goût de l’effort,  de l’engagement et du dépassement de soi.

Mais aussi l’humilité et le respect, parce qu’ils sont essentiels devant les œuvres de génie qui ont traversé l’Histoire de la musique et parce qu’ils sont un gage de la sincérité et l’authenticité de notre engagement vis-à-vis de cette musique.

 

 

  Ce mois ci, j’aimerais partager avec vous

Ravel, les mots et la musique, au fil de l’eau

 

  • « Je pense en musique »

 

« M. Ravel insiste pour que j’aille écouter, ce soir ses mélodies. Je lui dis mon ignorance et lui demande ce qu’il a pu ajouter aux Histoires naturelles.

 -Mon dessein n’était pas d’y ajouter, dit-il, mais d’interpréter.

-Mais quel rapport ?

-Dire avec la musique ce que vous dîtes devant un arbre par exemple. Je pense en musique, et je voudrais penser et sentir les mêmes choses que vous. Il y a la musique instinctive, sentimentale, la mienne - bien entendu il faut d’abord connaître le métier-, et la musique intellectuelle : d’Indy. Il n’y aura guère que des d’Indy, ce soir. Ils n’admettent pas l’émotion, qu’ils ne veulent pas expliquer. »

Un court extrait du Journal de Jules Renard (janvier 1907)

 

  • Des mots et de la musique pour dire l’eau

 

La musique se fait donc parfois « la voix des mots » et  Ravel, comme d’autres compositeurs,  a mis en musique plusieurs textes et poèmes. Gaspard de la nuit  est un triptyque pour piano, composé en 1908 à partir de trois poèmes eux-mêmes tirés d’un recueil du même nom, d’Aloysius Bertrand (1807-1841). Ondine  en est le premier extrait. Ce poème en prose évoque une nymphe apparaissant à la fenêtre d’un humain.

 


Ondine

 

 

                       -« Ecoute !- Ecoute ! -C’est moi, c’est moi Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.

 

« Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l’air.

 

« Ecoute !-Ecoute !-Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte, et mes jours caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne. »

 

Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt, pour être l’époux d’une ondine, et de visiter avec elle son palais, pour être le roi des lacs.

 

Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus.

 

 

 ondine

 

 

Ecoutez Ondine, de Ravel … (cliquez sur l'image)

 

Par Martha Argerich

 

 

L’eau a inspiré à Ravel d’autres pièces pour piano, je vous propose d’écouter également :

   Jeux d’eau ( 1909)

 

Et juste pour le plaisir, une autre pièce « aquatique », de Debussy cette fois :

  Jardins sous la pluie (Extrait des Estampes)

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :