CONFERENCE "le rock'n'roll" . yann balloch . vol 3 ( de la pop anglaise aux années flower power, contexte historique)


>> de la pop anglaise aux années Flower Power.

 

 

 

Les années 60 sont riches d’événements, que se soit aux plans historique, sociologique ou artistique. Ce sont des années de conflits, d’évolutions de la pensée humaine, de changements fondamentaux dans les domaines sociaux. La création artistique n’est pas en reste et les artistes développent des moyens d’expression relatifs à cette période de notre histoire contemporaine. Pour comprendre cette époque trépidante, nous nous attarderons tout d’abord sur le contexte historique de cette période avant de nous concentrer sur les grands mouvements musicaux  issus du Rock aux moyens de quelques groupes emblématiques des années 60.

 

 

            Dès 1954 un combat armé pour l’indépendance de l’Algérie conduit par le FLN (front de libération national) éclate et se traduit par des exactions contre les populations civiles d’origine européenne et indigène et des affrontements avec l’armée française. Cette guerre civile et idéologique fait plusieurs milliers de morts. Les affrontements entre le Mouvement National Algérien (MNA) et le FLN ou encore des combats opposant le parti communiste algérien (PCA) et le FLN ont entraîné des vagues successives d’attentats, d’assassinats et de massacres sur les deux rives de la méditerranée. Le recours à la torture était fréquent et permettait aux différents belligérants d’obtenir des renseignements concernant les tentatives d’attentats programmées. Dans l’armée française, on appelait cela la « Question » et nombre de tableaux de peintres, appelés du contingent, traitent de ces exactions et des impressions que ces actions laissaient. Durant ce conflit, le FLN exigera des autorités françaises la reconnaissance et la restauration d’un Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques. Cette guerre s’achèvera le 19 mars 1962 par la proclamation de l’indépendance de l’Algérie, suite au référendum d’autodétermination du 1er juillet prévu par les accords d’Evian, et sur la naissance, le 25 septembre de la République algérienne. Le rapatriement du million de Français vivant en Algérie s’ensuivra rapidement, ainsi que l’expulsion de tous les combattants, algériens ou non ayant servi aux côtés de l’armée française, « harkis » notamment.

Mais ce conflit algérien n’était pas le premier affrontement entre la France et l’un de ses départements ou l’une de ses colonies. En effet, en 1946 le Vietnam subit des affrontements entre une armée française mal adaptée aux conditions locales et le Front National Vietnamien.

Jamais l’armée française ne sera en mesure de s’imposer dans ce conflit et en 1954 la défaite française s’achève sur la chute de Diên Biên Phu. Les accords de Genève de juillet 1954 séparent le pays en deux : le nord devenant une République démocratique contrôlée par l’URSS et le sud instaurant un régime soutenu par les Etats-Unis.

Néanmoins, ces nouveaux Etats ne pourront pas jouir très longtemps d’une paix durable. En effet, quelques années plus tard, en 1965, le Président des Etats-Unis Johnson décide d’intervenir directement contre le Front National Vietnamien  et le Vietnam du nord. En effet, ce lieu stratégique, soutenu par les communistes est un levier d’intervention nécessaire à conquérir dans cette lutte acharnée contre l’URSS. Devant la réprobation que suscitent ces décisions, les américains entament des négociations avec le nord Vietnam et le FNL qui restent vaines et ne peuvent empêcher la formation d’un gouvernement révolutionnaire provisoire (GRP). Les accords de Paris de 1973 mettent fin à l’intervention directe des Etats-Unis. En 1975 le GRP lancera une offensive décisive qui s’achèvera le 30 avril par la prise de Saïgon. Ainsi, l’unification du pays sera proclamée en juillet 1976.

 

            Ces événements au Vietnam marqueront durablement la jeunesse, et principalement les jeunes américains qui ont encore le souvenir d’une participation active de leurs armées lors des nombreux conflits du XXème siècle. Ils sont tout à la fois dépités et horrifiés par ce conflit et commencent à se rebeller contre le pouvoir en place, contre une politique qui ne convient plus. Ainsi, Joan Baez ou Bob Dylan trouvent leur public en dénonçant la violence et les jeunes français dévorent les écrits contestataires ou existentialistes de Jean Paul Sartre ou Simone de Beauvoir. Boris Vian chantera le déserteur, texte provocateur où l’auteur s’adresse directement au chef de l’Etat, responsable, selon lui de la situation de politique intérieure. Si la situation entre cette France du baby-boom et les responsables politiques se dégradera considérablement, les jeunes américains trouveront en John Fitzgerald Kennedy un nouvel espoir. Celui qui sera le plus jeune président des Etats-Unis est né en 1917 et fut élu à la présidence de son pays en 1960, réussissant à s’imposer face au candidat républicain et futur président, Richard Nixon. Kennedy devint rapidement un président très populaire. Cette popularité était due à sa jeunesse, ses capacités à communiquer, sa maîtrise des médias, son dynamisme et les espoirs de paix qu’il semblait incarner. Le couple qu’il formait avec son épouse Jackie ainsi que son approche simple et directe de la politique achevèrent de faire de Kennedy l’incarnation des espoirs d’une génération qui voulait sortir de la guerre froide. Néanmoins, sa politique générale était perçue par les conservateurs comme « faible » et timorée à l’égard du communisme. Entré en fonctions en janvier 1961, Kennedy avait pourtant lancé en mars de cette année un vaste programme d’armement et se déclarait prêt à s’opposer à la progression du bloc de l’Est. En novembre 1961, les Etats-Unis déployèrent d’ailleurs en Europe quarante cinq missiles Jupiter dont la portée permettait d’atteindre le territoire soviétique. Sur le continent américain, Kennedy accepta l’exécution du plan d’invasion de Cuba prévu par Eisenhower et préparé par la CIA. Cette campagne avait pour but de chasser les communistes et renverser son chef  Fidel Castro. Mal ordonnée, l’opération, connue sous le nom de Baie des Cochons fut un fiasco retentissant. La CIA, les exilés cubains, qui avait payé le prix fort, et la droite conservatrice rendirent Kennedy directement responsable de cet échec. Au cours des mois qui suivirent, l’administration Kennedy tenta à plusieurs reprises de faire assassiner Fidel Castro et la crise des missiles de Cuba fut l’occasion, pour le jeune président, de montrer qu’il pouvait résister fermement à l’Union Soviétique. Malgré ses combats contre des adversaires potentiellement dangereux, la politique extérieure de l’administration Kennedy est empreinte de paradoxes. Si le Président montre une fermeté face à certaines situations, il élude des événements par ailleurs importants. Il démantèlera, malgré les dangers inhérents de la politique de l’Union Soviétique les missiles américains placés à l’Est et ne se prononcera que peu alors que commence la construction du mur de Berlin. Sur le plan intérieur, le point marquant de la politique de l’administration Kennedy fut le processus de déségrégation raciale. En septembre 1961, des agents fédéraux furent mandatés pour permettre l’inscription d’un étudiant noir à l’université d’Etat du Mississippi et la présidence se prononça pour les droits civiques des noirs.

Aussi, lorsqu’en novembre 1963 Kennedy entame-t-il, par un voyage au Texas la campagne en vue de sa réélection, il est un président très populaire malgré les contestations du camp adverse et certains représentants de son propre camp qui le considèrent comme un traitre. En fait, il comptait des ennemis farouches d’un bord à l’autre de l’échiquier politique, de Fidel Castro aux cubains anti-castristes de la CIA à la mafia qui commençait à souffrir des coups portés par le département de Justice sous les ordres de son frère Robert Kennedy, sans oublier tout ce que les Etats-Unis comptaient d’éléments racistes et réactionnaires.

Il mourut le 22 novembre 1963, comme tout le monde sait, à Dallas après une rafale mortelle visant son cortège.

 

            Malgré une apparente stabilité imposée par l’héritage stalinien, des conflits d’importance se préparent à l’Est, dans les Etats sous contrôle soviétique. Bien que mort depuis 1953, l’ombre de Staline plane toujours sur l’URSS malgré les tentatives d’ouverture de son successeur Nikita Khrouchtchev. Les pressions dont sont victimes les Républiques et pays satellites de l’Union Soviétique restent fortes. Mais la Yougoslavie ne l’entend pas de cette oreille et décide de s’insurger contre ce gouvernement central, et c’est dans ce contexte de tension que le « Printemps de Prague » voit le jour. Le printemps de Prague est une période de volonté de libéralisation politique en Tchécoslovaquie qui débute le 5 janvier 1968 et se termine le 20 août lorsque l’URSS et ses alliés du pacte de Varsovie, sauf la Roumanie, envahissent le pays.

Au début de l’année 1968, un mouvement de contestation interne au Parti Communiste dirigé contre son Premier secrétaire, Antonin Novotny se développe. Pour contrer cette tentative de déstabilisation, celui-ci demande d’abord le soutien des soviétiques qui n’interviendra pas. Espérant garder le contrôle de la situation, Novotny propose alors sa démission au profit du slovaque Alexander Dubcek. Agé de 47 ans, fils d’un militant communiste qui avait émigré en URSS dans les années 30, il présentait toutes les garanties. Ainsi, Novotny pense par ce stratagème conserver la Présidence de la République et la maîtrise du parti. Mais, des manifestations tournant à l’émeute l’obligeront aussi à abandonner ce poste. Une fois en place, Dubcek sera poussé par un courant d’opinion très fort à libéraliser le régime : abolition de la censure, réhabilitation des anciens dirigeants injustement condamnés lors des procès de Prague dans les années 50, tolérance religieuse… Mais, pour rassurer les soviétiques et rendre ses réformes possibles, il fera élire comme Président de la République, Ludvik Svoboda, ancien ministre de la Défense.

Les Tchèques et les Slovaques montrèrent de nombreux signes d’indépendance sous le mandat d’Alexander Dubcek. Celui-ci, visait à instaurer « le Socialisme à visage humain ». Mais les dirigeants soviétiques voyaient ces réformes comme une menace. Pour l’Union soviétique et les autres pays socialistes, la politique de Dubcek remettait en cause la nature même du régime socialiste. Un économiste réformateur, Ota Sik fut promu au poste de vice premier ministre et membre du comité central du P.C. Il dressa très vite un tableau accablant de la situation sur le retard de l’industrie tchèque, autrefois l’une des premières d’Europe. Ce rapport, montra de toute évidence que le régime socialiste était le principal responsable de cet échec. Pour le Politburo, cette dérive était inadmissible tant ces analyses faisaient « tâche d’huile » et contaminer un autre pays satellite important : la Pologne.

La répression prévisible commença fin août, lors de l’opération Danube où d’imposantes forces blindées franchirent la frontière et des raids héliportés se dirigèrent contre des objectifs définis. Les parachutistes de l’Armée Rouge débarquèrent alors discrètement sur l’aéroport de Prague et en prirent rapidement le contrôle. Quelques heures plus tard le président Svoboda et en état d’arrestation. Les soviétiques réprimèrent dans le sang les agitations d’un espoir de détente en Europe de l’Est. Cela mis un terme au Printemps de Prague. La direction du P.C.T fut transférée à Moscou. Mais une résistance secrète persista : lors d’un congrès extraordinaire, tenu dans une usine de la banlieue de Prague, les auditeurs condamnèrent l’invasion des soviétiques à l’unanimité et il devint impossible pour le régime de former « un gouvernement ouvrier-paysan » à sa convenance.

 

            Pendant ce temps là, en France on voit aussi naitre un mouvement de contestation visant le pouvoir en place. En 1968, on connaît des contextes culturel et politique compliqués. Sur le plan sociologique, la dynamique de groupe s’est peu à peu répandue tout au long de cette dernière décennie dans le tissu social. La mode est de faire des débats, mais les clivages sociaux sont encore extrêmement présents. La mixité apparaît, les droits de la femme s’améliorent avec entre autres l’autorisation de la pilule contraceptive dès 1967. Le vote devient au suffrage universel lors des élections de 1965 et permet aux françaises et aux français de 21 ans révolus d’élire leur Président de la République. Si ces avancées sont majeures, l’esprit conservatoire subsiste et est souvent apposé à la personnalité du chef de l’Etat.

Au plan économique, on arrive bientôt à l’apogée des « Trente Glorieuses », années fastes de reconstruction après la seconde guerre mondiale. La société de consommation s’est installée sans que l’on prenne vraiment conscience de toutes ses implications et des déséquilibres mondiaux qui se développent. La figure de proue du monde intellectuel qu’était Boris Vian dans les années 50 avait déjà envisagé ce scénario en chantant la complainte du progrès. Par ailleurs, la scène internationale est accaparée par la Guerre Froide et immobilisée par les tenants des modèles capitalistes et communistes. Ce contexte s’impose aux choix politiques dans tous les pays comme un carcan que les jeunes dénoncent.

 

            C’est dans ce contexte que se développe ce mouvement de contestation réduit à l’appellation de « Mai 68 ». Ce sera sans doute le plus important mouvement populaire français depuis le Front Populaire. Si ce mouvement a forcé le Président Charles de Gaulle à dissoudre l’Assemblée Nationale et à organiser des élections anticipées, il demande davantage un changement de société. Tout commence par un mouvement estudiantin en novembre 1967 qui souhaite une amélioration des conditions de vie des étudiants. Leurs revendications rencontrent peu d’écho à son commencement, mais en 1968, le « mouvement du 22 mars » prend le relais. Cette contestation menée par de petits groupes, comme les « enragés » de René Riesel, se fait connaître ce jour-là en occupant les locaux de l’université de Nanterre. La figure de proue de ce mouvement se nomme Daniel Cohn-Bendit. Il devient le symbole de la remise en cause de l’autoritarisme. Ces événements prennent une ampleur particulière car ils sont accompagnés de puissantes manifestations d’étudiants, puis d’une grève générale qui paralyse complètement le pays. Très vite, le monde ouvrier leur emboîte le pas avec notamment les ouvriers des chaînes de l’usine Renault de l’île Seguin à Boulogne-Billancourt. Un autre symbole de ces lieux devenus emblématique de ce mouvement est le théâtre de l’Odéon, au cœur du quartier latin où l’on peut entendre s’affronter, dans des débats de jour comme de nuit, quelques syndicalistes, des ménagères du quartier, des étudiants, des lycéens, des professeurs, tel ou tel artistes, quelques conseillers municipaux et tant d’autres encore. Le général de Gaulle, incapable de comprendre la portée de la situation qualifiera cette révolution sociale de « chienlit ». La situation se durcira entre les manifestants et les pouvoirs publics. Ainsi, le 3 mai, la Sorbonne alors occupée par des manifestants est évacuée par une intervention policière musclée. Cette intervention est très mal vécue par les étudiants qui se pensaient protégés par le statut universitaire. Ils réagissent aussitôt par des manifestations violentes contre les forces de l’ordre : jets de pavés, puis de barricades. Ces manifestations reprennent ensuite à l’annonce des peines de prison prononcées contre les manifestants, pendant lesquelles commencent à fleurir les slogans libertaires. Le 13 mai, une immense manifestation traverse Paris. Les syndicats CFDT parle d’un million de manifestants, la Préfecture de Police n’en concède même pas deux cent mille. La grève s’étend rapidement dans le courant du mois : c’est la première grève générale sauvage de l'Histoire. C'est aussi la première fois qu'une grève générale paralyse un pays parvenu au stade de la société de consommation. Le Parti Communiste dénonce les manifestations étudiantes et y voit une manipulation de l'extrême-gauche. Durant les affrontements du quartier latin, un manifestant est tué d'un coup de couteau. La population, face à la répression policière, a tendance à prendre fait et cause pour les étudiants, malgré les barricades et les destructions de dizaines de voitures et du mobilier urbain. Au sommet de l’Etat, le Général de Gaulle, absent du débat laisse son Premier ministre Georges Pompidou organiser le règlement du conflit. Celui-ci interrompt un autre voyage officiel en Afghanistan pour faire face à la situation. Il exige que les forces de police quittent la Sorbonne, afin de calmer la situation. Il réussit à renverser les responsabilités sur les étudiants dont les excès perdent alors justification au regard de l'opinion. De Gaulle reste à l'écart en se réservant la possibilité d'intervenir si besoin au moyen du 49-3. Cependant, au plus fort de la contestation, de Gaulle disparaît pendant plusieurs heures, à la surprise générale. Cela plonge la majorité dans un certain désarroi. Le Premier ministre Georges Pompidou propose de dissoudre l'Assemblée Nationale pour organiser de nouvelles élections législatives, et De Gaulle se range à cet avis en annonçant la dissolution de la chambre par un bref communiqué annoncé à la radio.

Mais une idée de contre révolution tente d’apparaître le 30 mai au moyen d’une marche de soutien au gouvernement, menée par André Malraux et Michel Debré. Elle réunit trois cent mille manifestants selon la préfecture de police et un million selon les gaullistes.


Si les événements de mai 68 marqueront durablement la France, toutes les jeunesses des autres
 pays seront  sensibilisées ; les jeunes français auront « illuminés » le reste du monde. Cet aspect
visionnaire de l’évolution du monde moderne, de ses nouvelles aspirations profondes portées par le peuple français de cette époque n’est en fait que le révélateur d’une pensée devenue universelle. Ainsi nous constatons les mêmes volontés de changement dans tous les grands pays de ce second XXème  siècle. Leur économie est assez proche et pour la première fois les événements historiques majeurs des pays industrialisés sont grossièrement les mêmes, et là où il se passe quelque chose au niveau économique ou sociologique quelque part, on le retrouve ailleurs. Ces constatations valent aussi pour les domaines artistiques avec l’essor d’un nouvel
ordre musical en France, en Allemagne ou en Italie dans la musique contemporaine, ou encore la réflexion sur les effets de la consommation de masse dans la peinture américaine ou la chanson française.

 

 

           





















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