CONFERENCE "le rock'n'roll" . yann balloch . vol 2 (naissance du Rock)

        
      B- La force du Rock :

 

a. Les origines musicales

 

Le rock trouve ses origines dans le blues, le gospel, le ragtime ainsi que dans le Rythm’n blues.
Pour comprendre l’évolution de ce courant musical il nous faut commencer par définir ce qui constitue
les bases socio musicales du Rock’n Roll.

 

Le blues, musique profane par excellence, utilisant les thématiques dramatiques de la souffrance et de
la misère vécues par les noirs pendant la période de l’esclavage, était souvent le fait de musiciens
itinérants qui abordaient tant les sujets du quotidien de l’afro américain que des sujets plus légers
voire grivois à connotations même sexuelles. Si les blancs, largement puritains réprouvaient  ces
pratiques, c’était pour mieux maîtriser cette population asservie. De fait, ils condamnèrent sans tarder
le blues pour son caractère licencieux en le qualifiant de démoniaque sans pour autant l’interdire
en pratique tant la musique évitait aux noirs des débordements que les blancs n’auraient su contenir.

Le gospel, littéralement de l’argot noir « chant à la gloire de Dieu » est l’inverse du blues, c’est une
musique à caractère religieux qui apparut vers 1850
. L’urbanisation des populations noires provoqua l’apparition d’un nouveau style vocal qui correspondait davantage au style de vie des habitants des villes,
alors en pleine expansion. Cette musique repose sur un discours religieux
: les paroles des spirituals et
des gospels songs font sans cesse référence à Dieu et aux écrits bibliques, notamment aux Psaumes.
On peut donc affirmer que l’essence même du gospel réside dans la recherche d’un monde meilleur s’exprimant à travers la prière adressée à Dieu. Mais elle est également un exutoire à une souffrance immense, celle d’individus asservis, à qui l’on refusa longtemps le statut même d’êtres humains.
Au plan formel, elle est la survivance d’une forme de liturgie ancestrale, dans laquelle le système
question-réponse entre le soliste et le chœur était déjà présent. Les spirituals et le gospel expriment
la prière d’une communauté, qu’ils soient interprétés en chœur ou par un soliste. Le chanteur s’adresse
à Dieu en se fondant dans une assemblée l’entraînant au cœur de son discours, parfois même jusqu’à un
état de transe. La particularité de ces gospels réside dans le fait que les chants entonnés et la
manière de les interpréter sont le résultat de la rencontre entre la musique religieuse européenne et
la musique traditionnelle africaine. En effet, avant l’apparition des premiers lieux de culte réservés
aux noirs, les
blancs utilisaient volontiers ces populations dans les chorales paroissiales afin de les étoffer et de mieux maîtriser leur éducation religieuse en vue de leur conversion. Cet état de fait explique le brassage de
cultures inscrit dans ce genre musical.

A la fin du  XIXème siècle, au sud des Etats-Unis, un nouveau genre de musique voit le jour. Dans les saloons, cabarets et autres lieux plutôt malfamés, les pianistes noirs, pour distraire un public souvent désenchanté singent les pianistes blancs, en interprétant le romantisme européen à leur façon,
principalement en déstructurant le rythme. Le Ragtime est né. Le monde occidental va peu à peu être
entraîné au début du XXème siècle dans le rythme joyeusement syncopé du ragtime. Il s’agit
probablement du premier style de musique à connaître un tel engouement  avant le jazz et le rock.

Plus tard, en adaptant le blues des noirs américains, les jeunes blancs parviennent à créer de
nouveaux styles. Les populations libérées de la 1ère guerre mondiale veulent s'amuser, et s’amorce
une période faste : Les « années folles ». Ainsi les noirs qui en ont assez de leur blues, le jugeant
trop pleurnichard, et les blancs désireux de syncoper sur les rythmes endiablés de la musique noire
se retrouvent dans le swing et toute une génération de musiciens arrive, portée par le sens du rythme et
de la fête. Le jazz et ses orchestres accélèrent le tempo en le teintant d’une touche de séduction par
le truchement des rythmes ternaires en lieu et place des rythmes pointés. Nous pouvons citer pour
exemple la formation de Count Basie, qui engage un « blues shouter » (crieur de blues), Jimmy
Rushing, pour de grandes envolées swing, sans oublier Glenn Miller, Fletcher Henderson ou le grand
Duke Ellington.

 

Après la seconde guerre mondiale, le Rhythm’n’blues naît des apports du blues et des
différentes expériences autour d’une musique rapide, syncopée et un brin « canaille » entreprises par
les musiciens noirs. Cette musique conserve la structure harmonique du blues mais y intègre un peu
de boogie-woogie et les cuivres du jazz, un peu comme du blues qui aurait trouvé du rythme. Sur la
côte ouest, les bases navales américaines résonnent au son du piano flamboyant d'Amos Milburn,
un ancien soldat démobilisé, et le saxophoniste Louis Jordan sait mieux que personne mener un
orchestre de cuivres. Avec ses classiques de danse Caldonia, Choo Choo Ch'Boogie, il
contribue fortement à la naissance du rock. On peut citer comme autre grand musicien du genre
Fats Domino, surnommé ainsi en raison de sa corpulence et à cause de la vitesse de son jeu. Chanteur
et pianiste dans la grande tradition néo-orléanaise, francophone de naissance, Il connaît son premier
succès en 1949 avec Hey
La Bas. Son fort accent français, lui confère un charme tout à fait spécial.
Son jeu de piano puise dans le jazz New Orleans, les rythmes caraïbes et latins et la musique
cajun. L’ensemble forme un assemblage irrésistible, fondateur du rhythm and blues de la
Nouvelle-Orléans. Par ailleurs, il exercera une influence considérable sur la soul et le funk. Son jeune
âge lui confère un jeu de scène bien moins marqué par le monde des ghettos noirs et cette attitude
lui permettra d'être parmi les tout premiers à séduire les populations blanches et de devenir une
vedette noire des hit-parades blancs.

Dans la mouvance du Rythm’n’Blues, on peut aussi citer James Brown, surnommé Mister Dynamite
ou encore The GodFather of the Soul. Cette figure emblématique de la musique populaire et symbole de
 la fierté des afro-américains serait né, selon ses dires, en 1933, mais, selon certains de ses biographes,
en 1928. Il peut se vanter d'avoir traversé les différentes phases de la musique électrique noire en
les marquant du sceau de son génie. Naissant musicalement dans le gospel des années 1950, il
passera ensuite du rythm and blues à la soul music et enfin au funk. Tous ces courants l’inspireront
dans son écriture musicale.

Pour finir, citons Aretha Franklin. Née le 25 Mars 1942 à Memphis (Tennessee). La fillette commence
ses vocalises au sein de l'église de son père et fréquente très souvent Mahalia Jackson. Elle enregistre
son premier album à 14 ans. En 1960, elle part s'installer à New York ou elle rencontre John
Hammand qui l'engage pour la Columbia Records.
En 1967, son contrat chez Atlantic, véritable forge de la soul music, lui ouvre les portes de la gloire.
Le titre I never love a Man the way I love you  propulse la chanteuse au sommet des
hit-parades. Consacrée « Queen of the Soul », elle réunit dans le miracle de son chant, les publics noirs
et blancs à une période ou l'Amérique est sous tension. Elle devient alors un symbole et se voit
remettre par Martin Luther King une récompense prestigieuse : la «  Christian Leadership Award ».
Cette égérie, profondément concernée par le mouvement des droits civiques, connaît de nouvelles
cimes avec le très populaire Respect. La communauté noire américaine, qui aspire à plus de justice
sociale, s'empare de la chanson à la manière d'un hymne. Comme beaucoup d'artistes, les années
70 constituent pour elle un période de création difficile. Elle commence la décennie avec quelques hits
All Me, Don't play that song et Spanish Harlem et en 1972 elle effectue un retour aux sources avec
un album de pur gospel Amazing Grace, enregistré avec le révérend James Cleveland et sa chorale.
Il faudra attendre le film des Blues Brothers en 1980 pour assister au retour de Lady Soul avec des
titres comme Jump to it et Get it right puis le superbe album en 1980 Who's zoomin Who.

b. Apparition du Rock :

 

aa. Naissance du rock

                       

Nous sommes maintenant en 1954, lorsqu’un jeune portoricain nommé Elvis Presley franchit la porte
des studios du label Sun dirigé par Sam Phillips. Il demande à louer les studios pour enregistrer un
disque souple pour l’anniversaire de sa maman. En l’écoutant chanter Sam Phillips est tout de suite
séduit par la voix du futur King. En effet, il découvre qu’un blanc peut chanter comme un noir et que
le rêve de toutes les maisons de disques américaines à une époque où la mode musicale se tourne vers
la musique noire peut se réaliser. Phillips avait déjà prononcé sa célèbre tirade : « Donnez-moi un blanc
qui chante comme un noir, et je ferai un million de dollars ». Il lui fait tout de suite chanter le thème
très populaire d’un chanteur noir, Arthur Crudup : That’s All Right. Aidé de Scooty Moore et de
Bill Black, deux musiciens de studio, ils créent un nouveau style, alliant la country et le Rhythm and
blues : voici le Rockabillity.

 

ab. L’engouement des jeunes blancs

 

Fin 54, lorsque paraît sur le marché du disque le premier 45 tours d'Elvis Presley, c’est
l'engouement immédiat. Des milliers d’exemplaires seront vendus, principalement à une population
de jeunes blancs. L’Amérique puritaine découvre, horrifiée le Rock’n’roll : danse avec ses
poses acrobatiques, perçues souvent comme subversives, à connotations même sexuelles, qui impose
un défoulement physique allant parfois jusqu’à la transe. Toutes ces attitudes sont empruntées au jeu
de scène des chanteurs noirs et des chauffeurs de salles. Une  mauvaise réputation accompagne
cette nouvelle musique considérée comme dégénérée et  régressive par la population adulte américaine.

Le style des chanteurs, leur image, leur look, inspirèrent de nombreux jeunes américains. Les
parents découvrent, effarés le nouveau visage de leur enfant aux cheveux gominés comme leurs idoles.
La jeunesse danse, fume, s’habille en blue-jeans. Le Tépazz, ou électrophone portatif leur permet
de s’approprier un univers musical jusque-là détenu par le père aux commandes du seul pick-up
placé dans la pièce commune.

D’autre part, l’effervescence économique des années 50 constitue un véritable pouvoir d’achat à
cette classe sociale naissante. Les puissants chefs d’entreprises découvrent en ces jeunes un
filon économique juteux constituant un nouveau marché. Ainsi ils les inondent de produits
fabriqués spécialement pour eux, faits pour ressembler à leurs idoles. L’idée de consommation de
masse se développe aussi dans ce domaine économique. Plus tard, on appellera cela le « merchandising ».

Les changements sont plus sérieux qu’il n’y paraît. Les jeunes, nombreux, font masse et
imposent davantage de considération. Désormais l’on ne passera plus de l’état d’enfant directement
vers celui d’adulte, il y aura un période transitoire.

 

c. Les premiers rockeurs.

Commençons par Gene Vincent : sa carrière de chanteur commence le 4 mai 1956 lorsqu'il enregistre
pour le label Capitole avec son groupe, les Blue Caps, le légendaire « Be bop a Lula »,

rockabilly syncopé qui devient un tube immortel repris par de très nombreux artistes. Gene Vincent
sort ensuite bien d'autres singles aussi ravageurs que le premier. Citons entre autres perles
« Race with the Devil, Blue Jean Bop » ou le remarquable « Say Mama ». Il impose son style, celui
d'un rebelle torturé, à la jambe fracassée par un accident de moto et dans lequel se reconnaissent
de nombreux adolescents américains. Après lui, il est obligatoire de parler de son meilleur
ami : Eddie Cochran : Il est né le 3 octobre 1938 dans le
Minnesota. Durant sa jeunesse, il prend
des leçons de musique à l'école mais abandonne très vite ces cours ne souhaitant pas apprendre à jouer
du piano. C'est donc à la maison qu'il continue sa formation sur la guitare familiale et en écoutant des
airs de
country music à la radio. En 1953, la famille d'Eddie déménage à Bells Garden en Californie.
Eddie perfectionne sa technique à la guitare et monte un groupe avec un copain d'école. Il rencontre
alors
Hank Cochran. Malgré la ressemblance des noms, ils n’ont pas de liens de parenté. Ils
commencent alors à se produire au sein d’un duo qu'ils nomment les frères Cochran. Eddie
Cochran commence à écrire des chansons et présente une "démo" à Jerry Capeheart, son futur
manager. En 1956, le duo se sépare et Eddie travaille alors essentiellement avec son manager. En
1956, Boris Petroff demande à Cochran d'apparaître dans la comédie musicale
« The girl Can't help it » que l’on peut traduire : La blonde et moi. Eddie accepte et présente
une chanson « Twenty Flight rock » dans un style qui préfigure ce que sera le rock punk quelques
années plus tard. En 1957, Cochran sort son premier succès « Sittin in the Balcony », un des rares
titres enregistré qui ne soit pas écrit par lui. Il s'ensuit une tournée en Australie avec
Gene Vincent et
Little Richard. Durant sa brève carrière, Eddy Cochran remporte un certain nombre de
succès dans le
Rock'n Roll avec les titres « C'mon Everybody »,
« Somethin' Else, My Way, Weekend »,
« Nervous Breakdown », et son titre posthume « Three Steps to Heaven ». Un de ses plus grand
succès « Summertime Blues, » co-écrit avec Jerry Capeheart, laisse percevoir combien Eddie a
influencé musicalement les années cinquante. Son titre sera repris entre autres par les
Who. Le
16 avril 1960, alors qu'il se rend en taxi de
Londres à l'aéroport, en compagnie de sa fiancée
Sharon Sheeley et du chanteur Gene Vincent, il est victime d'un accident : le taxi s'encastre dans
un réverbère. Transporté à l'hôpital dans un état grave, il meurt le lendemain à peine âgé de 21 ans.
Sharon Sheeley, malgré une fracture du bassin survivra, Gene Vincent aura la clavicule et des
côtes cassées ainsi que des dommages à sa jambe déjà diminuée.

Un autre grand nom du Rock est à citer en la personne de Chuck Berry. Il découvre la musique
dans l'église locale où il se rend régulièrement avec ses six frères et sœurs. Ses parents font en effet
partie de la chorale locale. Il apprend la basse dans le club musical Glee. En
1944,
encore jeune homme, il
passe 3 ans dans une maison de redressement pour tentative de cambriolage. À sa sortie,
il travaille pour la
General Motors et décide de se lancer dans la musique. Il sera à nouveau
confronté à la justice
en décembre
1959, lorsqu'il invite une jeune américaine d’origine indienne de 14 ans à travailler dans
son club de nuit à Saint Louis. Après que la jeune fille a été arrêtée pour prostitution, c'est au tour de
Berry d’être accusé d'avoir transporté une mineure entre deux États pour l'exploiter. Berry fut
condamné à 5 ans de prison et dut verser une amende de 5.000 $. Il est relâché en
1963.
Malgré cela, son influence
est profonde et durable, particulièrement auprès des groupes anglais des
années 1960.
Les
Rolling Stones l’ont beaucoup imité. Leur leader, Mick Jagger en a repris l’attitude en adaptant
son célèbre pas de « canard-canaille » et sa gestuelle provocante. Les ennuis répétés de Chuck Berry
avec la justice mettront un frein à sa carrière et à sa popularité.

Mais peu à peu, le rock commence à mourir aux Etats-Unis par le fait que ses plus grands
chanteurs disparaissent peu à peu. Eddie Cochran meurt en 1960, Gene Vincent en 1971 des suites
d’une hémorragie interne, Elvis Presley en 1977 d’une crise d’arythmie et Bill Halley en 1981
d’une tumeur au cerveau qui le rendra fou…Sans parler de ces idoles, stagiaires réguliers des
prisons américaines comme Little Richard ou, comme nous venons de le dire Chuck Berry.

d. La pop arrive :

Grâce à tous ces phénomènes, le rock put s’implanter dans d’autre pays, en s’adaptant et en se
modifiant pour le plus grand plaisir d’une jeunesse européenne avide de nouveautés et bercée
par « l’American-Dream ». Si la France adopte cette musique d’Outre Atlantique avec Johnny
Hallyday, Eddy Mitchell et ses Chaussettes noires ou Dick Rivers et ses Chats sauvages, ou bien
encore avec les « yé-yé » et Sheila, Sylvie Vartan et tant d’autres, c’est en Angleterre que les
évolutions sont les plus profondes.

C’est à Liverpool que tout commence lorsqu’un certain Lennon propose à Paul McCartney de
rejoindre son groupe de la Quarry Bank School : les Quarrymen. McCartney sera accompagné
par George Harrison et Pete Best. Il commence à se produire dans un petit club à Liverpool,
The Carven, lorsque Brian Epstein les remarque et leur propose d’enregistrer un premier 45 tours :
« The Beatles ». Très vite, ils se sépareront de Pete Best pour le remplacer par Richard  Starkey :
le fameux Ringo Starr. Leur premier album est un énorme succès, si grand qu’ils vont se trouver
propulser sur toutes les grandes salles d’Europe. En France, ils feront la première partie de Sylvie
Vartan à l’Olympia.

Ceci donne des idées à un certains Mick Jagger, Keith Richards et  Brian Jones, trois amis adorant
 le rythm and blues : Les Rolling Stones sont nés. Leur premier manager, Andrew Loog Oldham,
les encourage à donner une image moins lisse et moins « gentille » que celle des Beatles en
utilisant davantage le langage de la rue, en adoptant un style nonchalant et une extravagance capillaire
 et vestimentaire. Leur premier album rend hommage à Chuck Berry : « Around And Around ».
Après cet énorme succès, Brian Jones quittera le groupe à cause de la tension qui règne entre lui
Keith Richards, il mourra quelque temps plus tard.

 

Conclusion :

Je reviendrai en de prochains temps sur cette pop anglaise qui donnera ses lettres de noblesse à
cette musique Rock. J’espère que mon propos vous a soit remémoré de bons souvenirs, soit fait un
peu découvrir l’univers du rock.

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