CONFERENCE "le rock'n'roll" . yann balloch . vol 5 (... aux années flower power)


Ce terme est utilisé pour la première fois en 1957 par le psychiatre britannique Humphrey Osmond, pour décrire les effets du L.S.D. sur le corps humain ; cette expression qui peut être traduite par « expansion de l'esprit » se définit en musique par « acid rock ». Ce nouveau mouvement associe le plus généralement drogues et musique.

San Francisco est le berceau de ce rock psychédélique. Cette musique, intimement liée au mouvement hippie, cherche à se détacher de la pop en tentant d'innover dans l’écriture musicale, le jeu instrumental et par la théâtralisation des spectacles lors de grands concerts en plein air. Le psychédélisme prône un changement de civilisation et cherche à se détacher des valeurs fondatrices de la société moderne. Cette recherche n’est pas récente et cet orientalisme a ponctuellement inspiré les artistes, comme durant la période romantique où les écrivains échappent au monde réel au moyen des drogues comme le haschich ou l’opium. Ainsi ils s’installent au cœur d’une vision abstraite du monde qui les entoure et échappent au monde terrestre afin d’accéder à un monde meilleur. Leur composition en sera consciemment ou non affectée. Des artistes comme Théophile Gautier, dans « Le club des Haschischins », ou encore Charles Baudelaire dans «  Paradis artificiels », expliquent les effets des différentes drogue qu’ils ont consommées. Rimbaud affirme que la poésie doit accéder à un état supérieur de la vision, elle doit devenir voyante, illuminée. Cette idée enrichie par les œuvres de Mallarmé ou Apollinaire, aboutit dans les années 1920 au mouvement surréaliste.

Ce principe orientaliste adopte dans l’Allemagne romantique un caractère religieux. Des philosophes comme Nietzsche et Schopenhauer s’intéressent de près au bouddhisme qui suscite un engouement populaire, car les religions traditionnelles ne répondent plus aux attentes mystiques de l’home moderne.

La littérature des années 50 sera empreinte de ces expériences menées au XIXème siècle. Des écrivains s’installent en Californie rejoints par Grégory Corso, Laurence Ferlighetti ou le britannique Aldous Huxley qui publie ses mémoires « Les Portes de la Perception » où il analyse les effets de la drogue sur l’homme tout en en faisant son apologie. Cet écrivain, spécialiste du roman d’anticipation avec le meilleur des mondes  inspirera Jim Morrison et Ray Manzarek dans leur création du groupe The Doors composé, bien sûr, de Morrison au chant, de Manzarek à l’orgue électrique, de Robbie Krieger à la guitare, et de John Densmore à la batterie. Le groupe formé en 1965 rencontre tout d’abord un succès mitigé, mais lorsqu’en 1967 leur album The Doors sort dans les bacs, c’est l’engouement immédiat : les textes de Morrison touchent et certains amusent. Les albums les plus connus sont : Waiting for the Sun, L.A. Woman, ou encore Rider on the Storm que nous allons écouter.

Timothy Leary, chercheur en psychologie à l’université de Harvard participe de l’expérience menée par les groupes majeurs de cette période. Il absorbe un extrait de plante hallucinogène, ce sera pour lui une révélation. La drogue peut annihilée les sentiments qui emprisonnent les hommes, comme la timidité ou l’anxiété. Il se passionne pour le LSD 25, car cette pilule hallucinogène ingérée qui fait naître des couleurs et des formes incroyables et fait accéder à un état de mysticisme. Le chercheur est chassé de l’université, il publiera plus tard le résultat de ses expériences.

Les applications des expériences de Timothy Lear sont multiples et c’est dans ce contexte qu’un groupe d’étudiants fonde la bande des Merry Prankers, les Joyeux Farceurs, qui organise des Acid-Test, prises collectives de LSD, et entraîne ses compagnons dans des errances délirantes à bord d’un bus bariolé. Frank Zappa, élève d’Edgar Varèse, grand musicien, réalisera plus de 60 albums durant sa longue carrière. Guitariste exceptionnel, il a exploré tous les univers musicaux contemporains, comme le jazz, le funk, le big bang ou encore le blues. Il a écrit de grands titres comme Bobby Brown, Peaches en Regalia, ou encore Dancin’ Fool, et son album le plus connu est The Grand Wazoo. Ecoutons maintenant ces trois chansons. On voit aussi apparaître le groupe Jefferson Airplane, composé de Marty Balin, Paul Kantner, Jorma Kaukonen, Signe Toly Anderson, Jerry Peloquin et de Bob Harvey, un groupe très dense avec donc beaucoup de possibilités musicales. Le nom du groupe vient d’une expression argotique désignant l’utilisation d’une allumette usagée pour tenir une cigarette de marijuana trop courte et qui risquerait de brûler les doigts. Ils sortiront 9 albums, et leurs chansons le plus connues sont Somebody to Love, Volunteers, ou Stop children what's that Song que nous allons écouter. D’autres jeunes musiciens se prêtent à ces expériences, comme le Velvet Underground, composé de Lou Reed, John Cale, Sterling Morrison, Maureen Tucker et Doug Yule, leur œuvres majeures sont White light, White heat ; Who loves The sun et Sunday Morning que nous allons écouter. On peut aussi citer les Pink Floyd, composés de Syd Barrett remplacé après son internement psychiatrique par David Gilmour, Nick Mason, Roger Waters et de Richard Wright, avec leur albums et titres majeurs, Dark side of the Moon, Another Brick in the Wall, ou Wish You Were Here, titres que nous allons entendre.

L’engouement autour de la  prise de LSD et cette recherche de paradis artificiels sont donc à l’origine de cette œuvre psychédélique. Mais cette musique riche invoque d’autres fonctions et servirait à révéler au monde son âme. Elle se traduit par une façon de jouer toutes les musiques, du jazz au folk de manière débridée et folle laissant place à l’improvisation, aux distorsions sonores et autres longs solos de guitares… Le psychédélisme s’apparente donc à une tentative d’élévation au dessus du réel qui aboutit à un degré supérieur de conscience. Ses théoriciens ont fait d’elle un instrument mystique au sens strict : le moyen de découvrir quelque chose de caché.

 

            Mais au même moment, durant la deuxième partie des années 60, un mouvement naturiste se développe, prônant le retour à la nature, la nudité et l’alimentation végétarienne. Si le désir d’un retour à la nature se constate déjà au XVIIIème siècle avec Rousseau ou au XIXème avec la déferlante romantique, naturaliste et réaliste chez les peintres Courbet ou Corot, les années 60 vont développer un regard différent sur les rapports entre l’Homme et la Nature. Celui-ci semble excédé par le poids qu’il a su prendre à la nature et souhaite s’immerger à nouveau au cœur des éléments. Populaire en Allemagne, ce mouvement germe aux Etats-Unis, notamment en Californie grâce à l’immigration. Son succès rapide est lié à l’effritement des mystiques orientales. A une époque où tout change très vite, où chaque idée n’est finalement qu’un phénomène de mode, ou tout disparaît rapidement, il faut saisir et développer au plus vite chaque concept d’une nouvelle pensée. Le recul que l’on a sur les évènements contemporains nous permet de prendre conscience que les principes issus d’une pensée orientale ne peuvent fonctionner dans une société de culture occidentale. De plus, ces mystiques sont écornées par les indélicatesses du Maharishi Manesch Yogi, que les Beatles, Donouan et quelques autres personnalités avaient choisi de servir en Inde. En effet, le gourou s’est révélé être un escroc plus intéressé par l’argent et les femmes que par la sanctification des âmes.

L’engouement psychédélique est aussi réfréné par la répression de plus en plus sévère de la consommation de drogues. Ses effets néfastes font des ravages chez de nombreux musiciens comme Brian Wilson des Beach Boys, Syd Barret des Pink Floyd, Brian Jones des Stones. Ils voient leur carrière interrompue pour cause de mort ou de désordres psychologiques. Plus fréquemment encore, la mésentente éclate au sein de nombreux groupes vedettes, partagés entre idée psychédélique et courant hippy. Ce dernier prend peu à peu une place prépondérante au sein des sociétés américaine et européenne. Ce mouvement est le premier courant écologique de l’Histoire. Développé d’abord aux Etats-Unis dans un contexte de protestation et de refus de l’ordre établi, il va déclencher une prise de conscience des travers de notre société moderne. Ainsi l’engagement contre la guerre du Vietnam et pour le combat des noirs contre les discriminations raciales va rassembler l’essentiel de la jeunesse américaine. Elle refuse aussi le conformisme et la soumission au pouvoir en place. Le mot « hippy » est issu de l’argot noir-américain et se traduit par l’expression « ceux qui ont compris ». C’est toute l’assurance de cette jeunesse issue du « baby-boom » qui rend possible l’engouement considérable de ce courant d’idées entre 1968 et 1975.

Ce mouvement de contre culture propose un style de vie marginal, communautaire ou nomade. Il prône la non-violence, l’égalité de droits entre tous les habitants de la planète et souhaite s’inscrire en rupture avec l’ancienne société qu’il considère comme bourgeoise et décadente, autoritaire, paternaliste et corporatiste. Les hippies ne reconnaissent pas l’autorité traditionnelle comme légitime. C’est autour de cette idée principale que s’articule le travail de Bob Dylan. Il est né en 1941 au Minnesota. Auteur, compositeur et interprète, il a enregistré près d’une trentaine de disques. Sa musique a traversé toutes les époques pour parvenir jusqu’à nous. Aussi a-t-il joué aussi bien du jazz, du blues, du rock, de la country ou du folk. En 1969, il commence à écrire avec, Joan Baez, en français et en anglais des tubes comme Blowin’ In the Wind, Hurricane ou Mourir d’enfance. Il est un des seuls rescapés de cette époque musicale. Maintenant écoutons quelques extraits de ses chansons.

Parlons maintenant de Janis Joplin qui est née en 1943 au Texas, elle fera partie du Big Brother and the Holding Company en 1966 qu’elle quittera en 1969 pour former Kozmic Blues Band, le temps d’enregistrer l’album Pearl, comprenant les chansons Me and Bobby McGee ou Mercedes-Benz que nous allons écouter. On voit aussi apparaître un jeune chanteur afro indien : Jimi Hendrix. Né à Seattle en 1942, autodidacte et guitariste de grand talent malgré une technique instrumentale quelque peu personnelle, il est considéré comme l’un des musiciens les plus novateurs du XXème siècle en raison de son approche révolutionnaire de la guitare électrique et des techniques d’enregistrements studio qu’il utilise. Son univers musical est à la fois teinté de Blues de jazz et de psychédélisme. Ses expériences musicales révolutionneront le monde de la scène. Il sortira les chansons Purple Haze, Hey Joe, et reprendra Wild Thing lors du festival de Woodstock. Il mourra en 1970 d’une overdose à l’âge de 28 ans. Ces quatre musiciens sont des groupes majeurs de la période hippie. Beaucoup des aspirations de ces musiciens sont héritées des écrivains de la Beat Generation, précurseurs du mouvement avec Henry Miller, Jack Kerouac, Allen Ginsberg ou William Burroughs. Ils dénoncent le puritanisme et l’hypocrisie américains, ils ajoutent à cette opposition la quête d’un absolu qui passe aussi bien par le mysticisme oriental que par la drogue ou la sexualité débridée.

Les hippies cherchent à fuir la société de consommation en mettant en avant les valeurs écologiques et égalitaires issues des philosophies orientales. La musique est un élément capital pour les adeptes de ce mouvement, elle représente par sa diversité une volonté d’ouverture aux différentes cultures et porte le désir de communion entre les peuples chère aux hippies. Elle devient un langage communautaire au même titre que la mode vestimentaire ou le style de vie.

Avec cette nouvelle génération de chanteurs apparaît de nouvelles habitudes de consommation de la musique. Les grands festivals qui sont autant de rassemblements identitaires que de performances musicales apparaissent. Ce sera  Monterey, Wight ou Woodstock.

            Ce dernier est le plus médiatisé de l’époque. Ce festival de musique rock organisé du 15 au 18 aout 1969 devait se tenir à Woodstock, dans l’état de New York. Ce choix s’était porté initialement sur cette ville car elle était considérée comme ouverte à cette nouvelle scène. Mais les autorités de la ville refusent l’implantation du festival sur leur commune. Les organisateurs, craignant les effets d’une annulation louent le terrain d’un fermier de Bethez mais conservent l’appellation « plus porteuse » de Woodstock. Ce concert, prévu pour 50 000 personnes, voit arriver 450 000 spectateurs. Les organisateurs sont dépassés par cette arrivée massive, par les embouteillages colossaux qui s’en suivirent et par les conditions climatiques catastrophiques. L’armée fut sollicitée pour sécuriser les lieux, pourvoir aux besoins de la foule en eau, nourriture et médicaments et conduire en hélicoptère les groupes jusqu’aux lieux de concerts. A la fin de la première journée, la pagaille est telle que toutes les barrières du site ont disparu : l’accès au festival sera gratuit. Si les organisateurs perdent de l’argent en raison du nombre important de personnes entrées gratuitement, ils bénéficieront des droits des enregistrements audio et vidéo. La particularité de ce festival tient dans son caractère synthétique. En effet, si l’ambiance était éminemment hippie, « Flower-Power » et communautaire, la musique demeurait essentiellement psychédélique, comme si la dernière année de cette décennie opérait une parfaite synthèse entre les idéaux et leurs applications.

A la fin des années 1970, la plupart des hippies abandonne leur envie de changer le « vieux monde » et a finalement intégré la société de consommation qu’elle dénonçait auparavant. Toutefois quelques irréductibles sont restés fidèles à leur idéaux vivant parfois confortablement de leur artisanat d’art, de leur musique ou de leur agriculture biologique ou encore de la médecine dite douce ; mais d’autres ont finis de façon dramatique sans un sou ou ravagés par les drogues dures à l’image de certaines idoles comme Janis Joplin, Jimi Hendrix ou Jim Morrison, morts d’overdose.

Le mouvement hippie portait en lui les germes d’un renouvellement inventif de la culture et du mode de vie d’après-guerre. Dans le domaine des arts, la musique psychédélique marqua son époque, non qu’elle véhiculait à elle seule ces nouvelles idées mais par ses capacités à fédérer le plus grand nombre et ses aptitudes à communiquer le plus largement.

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